Véritable opprobre social ajouté à la détresse personnelle, pourquoi tant de jugements sévères et parfois même de haine envers ces femmes faisant un déni de grossesse ?
Alors que ces mères qui s’ignorent souffrent déjà profondément jusque dans leurs tripes et vivent dans une solitude psychique extrême, peut-être serait-il temps de simplement les comprendre, pour mieux les aider.
Le déni de grossesse : une douleur exacerbée par le manque de reconnaissance et d’empathie
Le déni de grossesse, encore appelé « grossesse clandestine », on en parle comme d’une anecdote, un fait divers surprenant qui appelle malheureusement davantage aux jugements et idées préconçues qu’aux interrogations profondes. Méconnu du monde médical, il faut bien le reconnaître, et pour cause puisque peu de spécialistes (ou en tout cas, pas assez) y prêtent attention, méprisé voire moqué du grand public qui n’y voit que son aspect impossible et contre nature, le déni de grossesse n’est pourtant pas un phénomène rare. Selon l’Association Française pour la Reconnaissance du Déni de Grossesse (Afrdg), entre 600 et 1800 femmes chaque année seraient concernées par un déni de grossesse, partiel (quand la grossesse se révèle après le 5e mois), ou total (lorsque le déni couvre la totalité de la grossesse).
Mal vues et stigmatisées, ces grossesses clandestines peuvent toucher toutes les femmes, quel que soit leur âge, quel que soit leur milieu social, quel que soit leur niveau économique ou encore intellectuel. Mais au-delà des a priori sociaux aussi infondés qu’injustes, le plus grave est bien que le déni de grossesse ne soit pas reconnu comme une pathologie ou un trouble en tant que tel, mais « seulement » comme un vague symptôme. En conséquence de quoi les femmes touchées ne peuvent pas bénéficier d’une prise en charge suffisante et adaptée.
Le déni de grossesse : lorsque la douleur du mental est plus forte que le corps…
Elles ont toujours leurs règles, elles ne prennent pas un gramme et ont un ventre plat, et pourtant, elles attendent un enfant, sans le savoir. Mais c’est impossible ! Et pourtant si. Preuve, encore une, que la tête est souvent bien plus forte que le corps. Que le psychisme peut prendre complètement le contrôle de processus qui semblent pourtant seulement physiologiques, mécaniques pourrait-on même dire.
Ce qu’il faut comprendre pour saisir toute la problématique du déni de grossesse, c’est que porter un enfant, ce n’est pas uniquement une chose qui concerne le corps physique. Être enceinte, cela concerne le ventre mais aussi la tête. Le corps se transforme durant 9 mois pour permettre le développement du bébé, mais le psychisme aussi doit subir des processus de transformation pour permettre à la femme de devenir mère. Et dans le déni de grossesse, cette étape psychique ne peut pas avoir lieu. Elle est bloquée par l’inconscient, à cause de conflits intérieurs aussi profonds que parfois insaisissables.
Les raisons de ces conflits sont extrêmement multiples. Chaque femme faisant un déni de grossesse a sa propre histoire. Il y a les traumatismes, passés ou présents. Il y a les rapports à la sexualité et au corps qui peuvent être complexes. Il y a le désir d’enfant lui-même qui peut être ambivalent. Dans tous les cas, le déni de grossesse semble être un système de protection que le psychisme met en place au plus profond de son inconscient, tant il perçoit le fait d’être mère, le fait de porter un enfant, le fait de donner la vie, comme une menace, un danger en soi. Le corps, lui, ne peut que s’adapter, jusqu’à voir l’utérus se positionner différemment, à la verticale, afin que le fœtus soit dissimulé sous les côtes. Incroyable, mais pourtant vrai.
Le déni de grossesse : comprendre pour éviter les drames
Et les drames, ce ne sont pas que les infanticides qui restent, heureusement, choses rares. Mais les drames, ce sont toujours les souffrances et les difficultés terribles que vont rencontrer ces mères en rentrant chez elles avec ce nouveau-né qu’elles n’attendaient pas, que personne n’attendait. Cette solitude immense qu’elles vont toutes vivre, une solitude teintée de jugements, de commentaires et parfois de réels rejets. Une énormité humaine qui elle, contrairement au déni de grossesse, est aussi incompréhensible qu’impardonnable.


